Mahmoud el Materi obtient son doctorat en médecine avec mention très honorable le 6 juillet 1926 à l’Ecole de médecine de Paris. Sa thèse porte sur la «Contribution à l'étude de la souffrance du fœtus au cours du travail».
Une fois rentré en Tunisie, sa candidature au poste d'interne à l'hôpital est pourtant refusée par les autorités coloniales. Il accepte cependant de travailler à l’hôpital Sadiki comme assistant bénévole au service du docteur René Broc. Au mois de mars 1927, il ouvre son propre cabinet de consultation à Bab Menara, tout en continuant à travailler comme assistant bénévole. Il côtoie d'illustres médecins et chercheurs français comme Charles Nicolle, Ernest Conseil et Gabriel Brun.
Dans les années 1930, il intervient, avec le docteur Conseil, pour contenir la peste pneumonique qui sévit alors en Tunisie. Ils décident de mettre les malades en quarantaine dans la prison civile, et s'enferment avec eux, afin de les soigner.
Dans les années 1940, Mahmoud el Materi devient le médecin particulier de Moncef Bey et, le 22 avril 1943, c'est à son instigation que le Croissant rouge tunisien est créé pour pallier la défection de la Croix-Rouge et assister les victimes des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Il fait reconnaître le Croissant-Rouge tunisien par le Comité international de la Croix-Rouge le 30 septembre 1957, alors qu'il est ministre de la Santé publique de la Tunisie indépendante.
Pionnier de l’organisation sanitaire de la Tunisie indépendante, il est élu premier président de l'Ordre des médecins en 1959.
Dr Mahmoud el Materi - Vice président OMS
Le leader politique
Durant ses études en France, Mahmoud El Materi est d'abord membre du Parti communiste français, qu'il quitte rapidement pour le Parti socialiste français. Il milite par ailleurs pour la Ligue des droits de l'homme et l'Étoile nord-africaine dont il est un membre fondateur, et collabore alors à plusieurs journaux.
À l'âge de 28 ans, au début du mois de novembre 1926, il rentre définitivement en Tunisie et fonde la section tunisienne de l’ALEMNA, une association qui donne des bourses aux étudiants Nord-africains souhaitant poursuivre des études supérieures en France. Puis, en 1932, il fonde avec Habib Bourguiba, Bahri Guiga, M'hamed Bourguiba et Ali Bouhajeb, le journal nationaliste L'Action tunisienne. Plus tard, le groupe rejoint le Destour. Mais de nombreux désaccords sur la politique à suivre et la tiédeur des anciens du parti l’amènent à démissionner en septembre 1933. A l'occasion du congrès de Ksar Hellal tenu le 2 mars 1934, le groupe fonde le Néo-Destour; Mahmoud el Materi en est élu président à l’unanimité.
En septembre 1934, Mahmoud el Materi est exilé en même temps que les autres dirigeants du parti durant deux ans dans le Sud tunisien. Une fois libéré, il sillonne le pays pour mobiliser les foules en faveur du programme indépendantiste et réformateur du Néo-Destour. Lors du congrès de la rue du Tribunal, qu’il préside en octobre 1937, le Néo-Destour est déjà un parti représentant l'ensemble du pays.
Le 13 janvier 1938, Mahmoud el Materi démissionne de son poste de président du parti en raison de désaccords avec Bourguiba quant à la ligne politique et à la gouvernance interne du parti.
Mahmoud el Materi - Manifestation du 8 avril 1938
L'homme d’Etat
Sous Moncef Bey, Mahmoud el Materi est nommé ministre de l'Intérieur dans le gouvernement nationaliste de M'hamed Chenik en 1943 ; ce gouvernement ne dure pas du fait de la destitution forcée de Moncef Bey.
Sous Lamine Bey, en 1950, il est encore une fois nommé ministre de l’Intérieur dans le second gouvernement Chenik, chargé de négocier avec la France les accords préalables pour l'autonomie interne.
Il dirige la commission d'enquête chargée de démontrer les crimes coloniaux perpétrés pendant le ratissage du Cap Bon en janvier 1952, en compagnie du ministre de la Santé de l'époque, le docteur Mohamed Ben Salem.
Lors de la répression de mai 1952, la démonstration de force du nouveau résident général Jean de Hauteclocque force Lamine Bey à dissoudre le gouvernement. Mahmoud el Materi est déporté une seconde fois dans l'extrême sud du pays.
Une fois l'indépendance acquise, Mahmoud el Materi devient ministre de la Santé publique dans le premier gouvernement formé par Habib Bourguiba le 15 avril 1956. Il est également élu en 1957 membre de l’Assemblée nationale constituante.
En raison de nouveaux désaccords avec Bourguiba, alors président de la Tunsie, il démissionne de son poste de ministre. Il reste constituant et prend des positions courageuses sur la démocratie et le vote des femmes au sein de l'Assemblée constituante.
Mahmoud el Materi - ministre du gouvernement Chenik